Conférence poético-musicale sur une maladie
psycho-romantique
… quand l’émotion rattrape la raison …
texte, voix et mise en scène : Mélanie Prochasson
piano : Philippe Hoarau
dessins : Gabrielle Manglou
dessins Gabrielle Manglou
Le propos :
La mélancolie … cette curieuse maladie, considérée selon les époques comme une marque de génie ou une pathologie mentale. Du Moyen-Age au romantisme, de Dürer à Schubert, la mélancolie a souvent été associée à la création et les artistes s’en sont souvent emparé ; tentant de représenter cet état intérieur si particulier qui oscille entre une grande introspection et une perpétuelle mise à distance de soi au monde.
Mon désir est de rendre compte du combat de forces qui s’opposent au sein d’une même personne entre sa posture sociale policée, tenue, contenue et le débordement émotif qui par ailleurs l’agite.
La forme :
Pour ce faire j’ai choisi de mettre en scène une femme, médecin, qui se lance dans une conférence sur la mélancolie une maladie psychique reconnue comme telle à partir du XIX ème siècle. Partant de la théorie humorale d’Hippocrate, elle tente d’expliquer de façon rationnelle les dysfonctionnements chimiques à l’origine de la grande souffrance pathogène du patient, mais se retrouve débordée par sa propre folie, impossible à masquer.
Elle explique la sérotonine, le cerveau en convulsion, la bile noire d’Hippocrate. Elle exprime aussi les émotions qui la traversent. Elle ne peut masquer sa sensibilité, ses fragilités et celles-ci finissent par la déborder et altérer son discours. Mais s’agit-il de maladie ou de sensibilité extrême ? Comment côtoyer « le sublime de l’esprit » sans s’enfoncer dans les obscures rêveries de l’abîme ?
Là où le psychiatre n’existe pas, la folie n’est pas une maladie.
Le texte et la musique :
Pour exprimer ces tensions opposées le texte mêle des termes médicaux et des vers poétiques (Victor Hugo, Gérard de Nerval, Fernando Pessoa) et des textes philosophiques (Aristote, Montaigne). Il s’articule aussi entre le texte parlé et le chant (Lieder de Schubert, Schumann ou chansons de Kurt Weill) accompagné au piano par Philippe Hoareau qui intervient également tout au long du spectacle pour ponctuer ou soutenir le texte ou pour exprimer la part enfouie du personnage à la dérive. Enfin, les dessins à l’encre colorée de Gabrielle Manglou, projetés sur le mur, rendent compte de cette alchimie fascinante et inquiétante de nos humeurs.
« Pour quelle raison tous ceux qui ont été des hommes d’exception, en ce qui regarde la philosophie, la science de l’état, la poésie ou les arts sont-ils manifestement mélancoliques et certains au point d’être saisis par des maux dont la bile noire est l’origine ?
Huit sont en tout les pensées génériques qui comprennent toutes les pensées … la première est celle de la gourmandise, puis vient celle de la fornication, la troisième est celle de la tristesse, la quatrième celle de l’avarice, la cinquième celle de la colère, la sixième celle de l’acédie …
En effet, ce type de folie est provoquée parmi les neurostransmetteurs du cerveau, probablement du fait d’un stress systémique qui, pour des raisons inconnues entraîne une déplétion de substances chimiques : la norépinéphrine et la sérotonine et l’augmentation d’une hormone : le cortisol.
Il s’opère donc de profondes perturbations dans les tissus du cerveau dans l’alternance entre imprégnation et privation et il n’est pas étonnant que le cerveau lui même en vienne à se sentir blessé, accablé et que les processus confus de la pensée témoignent de la détresse d’un organe en convulsion.
Depuis quelques temps déjà … je décèle dans mon travail, une psychose croissante, qui, sans nul doute, est le reflet de la tension psychotique par laquelle est infectée ma propre vie … »